Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pitaine Hubert, » commença-t-il. Parbleu ! je l’avais si bien reconnu que, l’interrompant après avoir salué sa gente camarade qui me le rendit avec une œillade, j’offris sans tarder l’apéritif. Puis nous causâmes et, entraîné peut-être par le désir de faire parade de ma bravoure devant le sexe auquel nous devons la Goulue, je narrai mon aventure : me jette la pierre qui n’a pas eu dix-huit ans ! Il me sembla, ô effet du mirage ! que mademoiselle Augustine T***, tel était son nom, me regardait presque tendrement. Je puis sans fatuité évoquer le souvenir de ce commencement d’idylle, ébauchée en face de trois verres d’absinthe, car il n’eut pas de suite, l’importun pilote se montrant d’une jalousie stupide. La goëlette qui les avait amenés, mit à la voile le lendemain pour Nouméa. Plus tard, je reçus de ma bonne mère une lettre remplie de tendres reproches sur ma témérité nautique : « Où serais-tu, me disait-elle, sans ce brave capitaine qui est arrivé si à point pour te sauver la vie ? » Sauver la vie ! Quel mensonge infâme ce Tartarin brestois avait-il bien pu conter ? Quoi ? je perdais le prestige du péril surmonté victorieusement par mes propres forces ! J’étais déshonoré ! Je me doutai que le défaut favori de l’ancien enseigne était pour quelque chose dans cette déloyauté : j’en eus la confirmation plus tard, lorsque mon père m’apprit qu’il s’était présenté à ma famille éplorée comme mon sauveur. — « Je parie qu’il s’est fait payer l’absinthe ! m’écriai-je. » — « Il s’en est fait payer trois, répondit mon père. »