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Et en effet il n’y eut jamais de désaccord sérieux entre nous jusqu’au jour où il se présenta, en 1914, une question de conduite pratique d’une importance capitale pour moi et pour lui : celle de l’attitude que les anarchistes devaient prendre en regard de la guerre. Dans cette funeste occasion se réveillèrent et s’exaspérèrent ses vieilles préférences pour tout ce qui est russe ou français et il se déclara passionnément partisan de l’Entente. Il parut avoir oublié qu’il était internationaliste, socialiste et anarchiste, il oublia ce que lui-même avait dit peu de temps avant sur la guerre que les capitalistes préparaient, il se mit à admirer les pires hommes d’État et généraux de l’Entente, il traita de lâches les anarchistes qui se refusaient à entrer dans l’Union sacrée, en déplorant que l’âge et la santé ne lui permissent pas de prendre un fusil et de marcher contre les Allemands. Pas moyen de s’entendre. Pour moi, c’était un vrai cas pathologique. De toute façon ce fut un des moments les plus douloureux, les plus tragiques de ma vie (et j’ose dire de la sienne) celui dans lequel après une discussion des plus pénibles, nous nous séparâmes adversaires, presque ennemis.