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Les difficultés morales disparaissaient parce qu’il attribuait au « peuple », à la masse des travailleurs, toutes les vertus et toutes les capacités. Il exaltait avec raison l’influence moralisatrice du travail, mais il ne voyait pas assez les effets déprimants et corrupteurs de la misère et de l’assujettissement. Et il pensait qu’il suffirait d’abolir le privilège des capitalistes et le pouvoir des gouvernants pour que tous les hommes se mettent immédiatement à s’aimer comme frères et à se soucier des intérêts des autres autant que des leurs.

De la même façon il ne voyait pas de difficultés matérielles, ou il s’en débarrassait facilement. Il avait accepté l’idée courante alors parmi les anarchistes que les produits accumulés de la terre et de l’industrie étaient tellement abondants qu’il n’y avait pas pour beaucoup de temps à se préoccuper de la production, et il disait toujours que le problème immédiat était celui de la consommation, qu’il fallait, pour faire triompher la révolution, satisfaire de suite et amplement les besoins de tous : la production suivrait naturellement le rythme de la consommation. De là cette idée de la prise au tas qu’il mit à la mode, et qui est bien la manière la plus simple de concevoir le communisme et la plus apte à plaire à la foule, mais qui est aussi la plus primitive et la plus réellement utopique.