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Kropotkine donc, qui était très sévère avec le fatalisme historique des marxistes, tombait dans le fatalisme mécanique qui est bien plus paralysant.

Mais la philosophie ne pouvait pas tuer la puissante volonté qui était en Kropotkine. Il était trop convaincu de la vérité de son système pour y renoncer ou seulement supporter tranquillement qu’on le mît en doute. Mais il était trop passionné, trop épris de liberté et de justice pour s’arrêter devant les difficultés d’une contradiction logique et renoncer à la lutte. Il s’en tirait en insérant l’anarchie dans son système et en en faisant une vérité scientifique.

Il se confirmait dans sa conviction en soutenant que les découvertes récentes dans toutes les sciences, de l’astronomie à la biologie et à la sociologie, concouraient à démontrer toujours plus que l’anarchie est le mode d’organisation sociale qui est exigé par les lois naturelles. On pouvait lui opposer que, quoi qu’il en soit des conclusions qu’on peut tirer de la science contemporaine, il était certain que si de nouvelles découvertes venaient à détruire les croyances scientifiques actuelles, lui Kropotkine serait resté anarchiste en dépit de la science, comme il était anarchiste en dépit de la logique. Mais Kropotkine n’aurait pas su admettre la possibilité d’un conflit entre la science et ses aspirations sociales, et il aurait toujours imaginé un moyen, n’importe si logique ou non, pour concilier sa philosophie mécaniste avec son anarchisme.