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cipes d’égalité et de justice sur lesquels doit être basée la société.

Notez bien cependant que les questions sur lesquelles on ne pourra se mettre d’accord seront peu nombreuses et peu importantes, parce qu’il n’y aura plus les divisions d’intérêts qui existent aujourd’hui, parce que chacun pourra choisir le pays et l’association, c’est-à-dire les compagnons avec lesquels il voudra vivre, et, par-dessus tout, parce qu’il ne s’agira de prendre une décision que sur des choses claires, que chacun peut comprendre et se rapportant plutôt au domaine de la pratique, de la science positive, qu’à celui des théories où les opinions varient sans fin. Lorsqu’on aura trouvé, grâce à l’expérience, la meilleure solution de tel ou tel problème donné, il s’agira de persuader les gens en leur démontrant pratiquement la chose, et non pas de les écraser sous le poids d’une majorité de suffrages. Est-ce que cela ne vous ferait pas rire aujourd’hui si l’on appelait les citadins à voter sur l’époque à laquelle on doit faire les semailles, alors que c’est une chose déjà consacrée par l’expérience ? Et si cette chose n’était pas encore parfaitement fixée, est-ce que vous recourriez pour la faire au vote et non à l’expérience ?

C’est ainsi que se traiteront toutes les affaires publiques ou privées. Persuadez-vous bien que, hors de la solidarité, il n’y a que guerre et tyrannie, et soyez sûr, d’autre part, que, la guerre et la tyrannie étant des choses qui nuisent à tous, les hommes seront à peine maîtres de leurs destinées qu’ils se tourneront vers la solidarité afin de réaliser notre idéal de paix, de prospérité et de liberté universelle.

Jacques. — Parfaitement. Donc tu es socialiste, et parmi les socialistes, tu es spécialement communiste et anarchiste. Pourquoi t’appelle-t-on aussi internationaliste ?

Pierre. — Parce que j’ai fait partie de l’Association Internationale des Travailleurs. Cette association, appelée par abréviation l’Internationale, était composée des personnes de tous les pays qui suivaient les principes dont j’ai cherché aujourd’hui à vous donner une idée.

Ceux qui entraient dans cette association s’engageaient à propager par tous les moyens possibles les principes du communisme anarchique, à combattre toute espérance de concessions volontaires de la part des patrons et du gouvernement ou de réformes graduelles et pacifiques ; à réveiller dans le peuple la conscience de ses droits et l’esprit de révolte, afin qu’il puisse procéder, dès qu’il en aura la force, à la destruction du pouvoir politique, c’est-à-dire du gouvernement, et à la conquête du sol et de toutes les richesses existantes.

Jacques. — Par conséquent, tous ceux qui embrassent les principes communistes anarchiques appartiennent à l’Internationale ?

Pierre. — Pas nécessairement, parce qu’on peut être convaincu de la vérité d’un principe et cependant rester chez soi, sans s’occuper de propager ce qu’on croit juste. Cependant, pour agir ainsi, il faut avoir une conviction bien faible et une âme bien mal trempée, car, lorsqu’on voit