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intéressée à maintenir la masse dans l’oppression et la misère. L’anarchie est possible, car elle ne fait en réalité que débarrasser l’humanité d’un obstacle, le gouvernement, contre lequel il lui a fallu sans cesse lutter pour poursuivre son chemin difficile et pour avancer. Ceci étant bien établi, les autoritaires sont poussés dans leurs derniers retranchements ; et là, ils reçoivent les renforts d’un bon nombre de ceux qui, bien qu’étant de chauds partisans de la liberté et de la justice, ont peur de la liberté et ne savent pas se décider à imaginer une humanité qui vivrait et irait son chemin sans tuteurs ni bergers ; et ceux-là, harcelés par la vérité, demandent piteusement que la chose soit remise à plus tard, le plus tard possible.

Voilà l’essentiel des arguments qu’on nous oppose, à ce stade de la discussion.

C’est sans doute un très bel idéal que cette société sans gouvernement, qui se régit sur la base de la coopération libre et volontaire, qui s’en remet en tout à l’action spontanée des intéressés et qui est tout entière fondée sur la solidarité et l’amour ; mais comme tous les idéaux, c’est un idéal qui reste dans les nuages. L’humanité que nous connaissons, nous, a toujours vécu divisée en opprimés et en oppresseurs ; et si ces derniers sont pleins de l’esprit de domination et ont tous les vices des tyrans, les opprimés sont rompus au servilisme et ils ont tous les vices que produit l’esclavage, et qui sont encore pires. Le sentiment de la solidarité est loin d’être dominant chez les hommes d’aujourd’hui, et s’il est vrai que les hommes sont et deviennent toujours plus solidaires les uns des autres, il n’en reste pas moins vrai que ce qui se voit le plus et ce qui laisse l’empreinte la plus profonde sur le caractère des hommes, c’est la lutte pour l’existence que chacun mène quotidiennement contre tous, c’est la rivalité qui harcèle tout le monde, ouvriers et patrons, et qui fait que l’homme est un loup pour l’homme. Elevés dans une société basée sur l’antagonisme des classes et des individus, comment les hommes pourraient-ils donc se transformer d’un seul coup et devenir capables de vivre dans une société où chacun fera ce qu’il voudra et devra vouloir le bien des autres, sans coercition externe, sous la seule impulsion de sa propre nature ? Où trouverez-vous le courage, le bon sens de confier le sort de la révolution,