Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une bourrasque de vent retourna son parapluie, qu’Augustin dut lui prendre des mains et refermer.

— Attendons un instant là, fit-il.

Des affiches bleues, nouvelles, posées à la porte de l’Abbatiale, appelaient les fidèles à la Mission, parmi d’autres, qui annonçaient des pèlerinages à prix réduit, à Rome et en Palestine.

— … Ils étendent la première à tout l’Être, continua-t-il d’un ton de mélancolie rêveuse. La Foi dépose en partant tous ses voiles. Mais Caliban les trouve et s’en revêt.

Augustin le savait : il n’irait pas au-delà, et toute pénétration dans le champ étroit d’une autre vie religieuse, même si son fils l’y conviait, il s’en gardait comme d’une indiscrétion.

Au demeurant et malgré l’apparence, cette période de l’année se prêtait moins qu’aucune autre à une conversation précise sur des problèmes de vie chrétienne et de pratique confessionnelle.

On ne pouvait savoir si M. Méridier, suivant la terminologie courante, « faisait ses Pâques », qu’il avait certainement faites, en ses années de très jeune professeur. Il ne communiait ni pendant la Semaine Sainte, ni le jour de Pâques à la « messe des hommes », ni à aucune des messes ultérieures, ni à aucun des dimanches qui suivaient. Augustin se rappelait une certaine scène très brève, entre ses parents, quand il avait huit ou neuf ans, d’un tragique voilé très perceptible à un enfant.

Mme Méridier demanda devant le petit garçon (imprudence dont elle se repentit) quel jour et à quelle messe son mari s’approcherait de la Sainte Table. « À cause du déjeuner », ajouta-t-elle avec toute la gaucherie d’un jeu de mots non voulu. On était au Jeudi Saint.

— Le Temps du Festin Pascal est-il fini ? fit-il d’une suavité glacée, ou l’abrège-t-on à cause de moi ?

Personne n’osait parler devant l’enfant. Le père reprit peu après son aménité habituelle.

Augustin devait comprendre d’autant moins cette absten-