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et à l’impatience de se trouver, pour quelques mois encore, désarmé. Une fois même il reçut, des négations devinées, une sorte de plaisir subtil, acidulé et complice, peu sûr de sa légitimité, consenti plutôt que voulu, subi plutôt que consenti, relâchement de liens autoritaires, légers souffles libres courant sur la peau. Cette impression l’effraya.

Tout ce petit drame échappait à M. Bougaud. Il sentait, fixé sur lui, le suivant dans la mobilité de ses allées et venues, les yeux de cet enfant qu’il estimait infiniment. Il ne devinait pas, ni se figurait qu’il y eût quelque chose à deviner. Eût-il compris, c’était simplement la crise d’un garçon de quinze ans : « Crise de croissance. Elles ennoblissent l’enfant qui grandit. »

Les vacances de Pâques allaient commencer. Les prédications religieuses traditionnelles occupaient la dernière quinzaine de Carême : conférences réservées aux hommes, scénarios de dialogues, appels habituels aux confessions, toute une apologétique populaire à gros grain, culminant en l’aigre Semaine Sainte, baignée de pluie, de froid et de bourrasques. Dans la rue aux couvents, qu’il traversait avec son père, Augustin retrouvait certain souvenir d’arbres débordant par-dessus les murailles et la poudre verte des feuilles naissantes. Le vent frappait de dos leurs deux parapluies.

Ni Augustin ni son père ne recherchaient l’occasion de conversations intimes sur des sujets de vie chrétienne. S’il arrivait au professeur d’en parler, — ce qu’il faisait avec profondeur, quelque chose de plus que du respect, et aussi un peu de cette familiarité des gens de la partie, spécialistes ou curés, — c’était toujours d’une manière générale, à propos de quelque sujet moral ou littéraire, ce qui dépersonnalisait la chose, la déchargeait de son potentiel.

— On ne se passe pas d’idéalisme religieux, dit-il en réponse aux remarques d’Augustin sur M. Bougaud. Des deux formes de la pensée, l’esprit scientifique et les certitudes morales, ces gens suppriment la seconde et étendent la première à tout l’Être…