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II

LA SOIF D’UN MONDE IGNORÉ


En seconde, on mit Augustin hors concours, puisqu’il se trouvait dans la classe de son père. Seules lui restèrent ouvertes les compétitions échappant à l’enseignement paternel : l’histoire, les mathématiques, l’allemand. L’avance sur ses camarades y était d’ailleurs identique.

Un énorme Censeur, aux mains velues, arriva cette année-là, qu’on commença de craindre dès le premier jour. Lui-même, quand il connut Augustin, affecta de lui parler d’un ton de brutalité cordiale, de déférence forcée et bourrue.

— Eh ben ! hein ! vous n’encombrerez plus le palmarès, hein ? vous en laisserez pour les autres, hein ?

— Vous n’en avez pas vu souvent comme ça ? demandait-il au professeur de philosophie, vieil éclectique cousinien près de sa retraite, connu de toute la ville pour la largeur de son chapeau et la bonhomie de ses vestons ; plus remarqué encore de ses classes successives pour le jaune d’œuf coagulé chaque vendredi dans ses moustaches.

— Non… si… attendez ! si… Le vicaire général.

— Ah ! bah ! alors ce petit Méridier se fera curé ?

— Qui sait ? fit l’autre, énigmatique.

Le tambour fit explosion dans leurs oreilles, couvrant le pronostic.

Grâce à la terreur du Censeur, la classe de seconde fut, cette année-là, maniable. Sur le banc des bûcheurs, devant la chaire, s’assit Vaton. Il avait fait à Augustin, pour la scène de la cour, de douces excuses embroussaillées. Rêveur