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décision spontanée de bouger, qui caractérise la girouette de Bayle. En se retirant, elle laissa choir à ses pieds le coup d’œil offensé qu’elle aurait eu dans un sentier sale. Peu importait. L’enfant était calme, maître de lui, lavé déjà.

C’était une belle nuit, attentive et vaste, peuplée d’odeurs de cave, d’arrosage et d’encens. Augustin se demandait chaque fois comment l’abbé faisait pour reconnaître ses pénitents dans cette double obscurité de la cathédrale et du confessionnal, ombre particulière, creusée au cœur de la grande nuit.

Il tutoyait Augustin d’emblée. Il était tout simple et naturel. La conversation avec ce fantôme se distinguait sans doute par le sujet, de ce qu’elle eût été dans la rue ou à table, mais nullement par le ton ou par la bonhomie, pas plus que n’étaient solennisées la respiration, la toux ou l’eau de Botot dont l’abbé se lavait la bouche. C’était bien commode. On finissait par croire que les péchés aussi perdaient leur belle toilette intime et ténébreuse, endossaient le veston de tout le monde, marqué de taches et d’accrocs, la livrée humaine qui a tant servi. Derrière l’énorme autel, à travers un espace scandé de colonnes, un bourdon d’orgue continu, à l’extrême limite du grave, s’exerçait pour le lendemain. De subits jets de son, ternes et dévernis, le piquaient parfois pour le réveiller.

— On ne peut empêcher, disait l’abbé, les choses sales de causer un certain trouble. Nulle trace de péché là-dedans. Qu’Augustin remercie Dieu de l’avoir gardé honnête, pas comme le pharisien, mais comme un publicain de bonne volonté.

De belles choses paternelles, humblement calmes et toutes droites…

Ainsi connut-il un degré de plus dans sa maturité d’adolescent, le bienfait indirect d’une épreuve boueuse, une forte alliance entre son intégrité morale et son catholicisme natal, une sorte de propreté avertie, assez hautaine, et comme un mépris documenté.