Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

normaux poussaient dans de la terre véritable et où c’était l’été. Un maître d’étude errait très loin, au bout de quelque flottante trajectoire.

Augustin aperçut un groupe immobile d’élèves, les uns debout, d’autres assis sur un petit banc de pierre, d’autres vautrés à même le sol, à l’ombre des troncs d’acacias. Un de ses camarades de troisième s’y trouvait, l’indolent et doux Vaton, qui lui était sympathique.

La conversation continua sans que le nouveau venu parût l’interrompre et Vaton accrocha son bras.

C’était une causerie saccadée, coupée de silences, pleine d’allusions et de sournois sourires. Augustin fut long à comprendre ce qui s’y agitait jusqu’à ce que Lehugueur Henri, frère de Lehugueur Marcel (celui qui avait appelé le Censeur, la Vache), dédaignant toute expression approchée et soucieux de n’offrir à la vérité que des lignes droites, prononçât dogmatiquement :

— Eh bien ! moi, je te dis qu’elle aurait marché.

Son voisin se releva lentement du sol, haussa un genou et s’y appuya le coude, dans l’attitude des statues d’angle aux frontons grecs.

Mélancolique une seconde, le temps de sentir l’irréparable, Lehugueur regretta :

— C’était la plus bath !

De rudes mots d’obscénité et d’excrément éclatèrent au soleil et, ainsi exposés au plein air, perdirent leur caractère d’émissions verbales, churent en masses molles et fumèrent comme leurs modèles.

Le genre de confidences, familier aux chambrées, flottait au-dessus de ces corps vautrés. Il y prenait un air supplémentaire de grêle vilenie, tenant à leur jeunesse.

Lehugueur Henri s’était spécialement distingué. Il avait essuyé la joue de la môme avec sa manche, mon vieux, comme ça, avant de l’embrasser. L’élève Duperrier, surnommé Ta-Douleur-Duperrier, se borna à dire « flûte ! » par manque d’imagination. Mais Vaton, plus personnel, brûla l’étape de l’étonnement, s’éleva d’un bond au lyrisme.