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Le Benedicite de midi se mêlait dans les arrière-gorges aux premières émissions des choux et du bouillon gras. Le père y assistait d’une adhésion tacite, sans se signer, sans interrompre la lettre qu’il lisait ou son tambourinage sur la table.

La prière du soir, grave et recueillie, se disait dans la salle à manger, devant une table débarrassée, parmi des heures confuses qui tenaient du plein jour par le travail qu’on y brassait encore et de la nuit par l’apaisement qu’elles conseillaient. Elle admettait deux ennoblissements : d’abord le silence de l’examen de conscience, pendant lequel on réentendait la pendule, puis l’odeur de crypte du De Profundis. Debout, immobile, tenant de l’intellectuel et du publicain, M. Méridier exprimait par son attitude, dans une mesure qu’il ne définissait pas, que nul ne définirait pour lui, des sentiments religieux baignés de métaphysique et de mélancolie, mais qui faisaient, pour se mêler à la pratique quotidienne, autant de manières et de cérémonies qu’une hypostase de Plotin.

Diffuse tout le long de la semaine, cette vie religieuse se concentrait pour Augustin en deux moments essentiels : la confession du samedi et la communion du lendemain. Sa mère et l’abbé Amplepuis, le vicaire qui l’avait préparé à la première Communion, s’étaient entendus sur cette périodicité.

Il n’existait pas dans la petite ville d’autre œuvre de garçons que les patronages populaires ; de son côté, le petit Séminaire était censé suffire à la formation religieuse des jeunes bourgeois. Rien ne s’appliquait exactement à Augustin. Toute sa vie morale reposerait, « outre l’exemple familial, bien entendu », sur les Sacrements hebdomadaires. L’abbé insistait sur leur régularité, en joignant, par le bout des doigts, des mains velues et blanches où logeait une force rurale désaffectée.

— D’un autre enfant, on exigerait qu’il y soit fidèle. Mais de lui…

La phrase, non terminée, pendait sans toucher terre. On