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II

LES HAUTES TERRES


L’autre compartiment de souvenirs était réservé aux hautes terres du Cantal.

On se rendait là, en plein été, deux ou trois semaines après le début des grandes vacances. Il y avait eu plusieurs expéditions semblables, avant la naissance de la petite sœur. Là aussi, les souvenirs se mêlaient. On ne pouvait retrouver au juste à quelle époque de la préhistoire remontaient quelques-uns d’entre eux. Détachés de leur souche, ils erraient en un temps sans date et ne savaient où se poser.

L’état d’esprit des voyageurs différait devant le voyage. M. Méridier emportait des notes, des livres et se promettait des joies abstraites. Maman disait : « Ah ! si ce n’était pas la santé des enfants ! » Mais Augustin comptait les jours.

Un remue-ménage de malles et d’armoires ouvertes durait jusqu’aux petites heures du matin. D’autant plus gros de promesses qu’il s’efforçait d’être silencieux, il annonçait l’approche d’un bonheur immense qui filtrait par toutes les claires-voies de la nuit. Cette joie active et proliférante se nourrissait toute seule pendant qu’on dormait, grossissait, finissait par faire éclater le sommeil. Augustin se trouvait réveillé à des heures paradoxales et inidentifiables, pour voir que sa jeune maman circulait encore sur des pantoufles sourdes, masquant la lampe de sa main gauche, quand elle passait devant les petits lits. Alors, il comprenait que ce bonheur était réel, presque arrivé, riant déjà dans cette couleur de vieille paille, distillée par la lampe à huile.

Son cœur libéré d’une trop pesante joie, désormais étale