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AUGUSTIN OU LE MAITRE EST LA

— Faut aller voir les étables.

Mais M. Méridier, se sentant un peu fatigué, dit qu’il préférait s’étendre dans sa chambre.

— Faut pas vous gêner, cousin. Montez que dormir une couple d’heures. Le dimanche tape sur la tête.

Les étables étaient vides, chaudes, immenses et basses, 
 inexplicablement étouffantes, bien que traversées de courants d’air. D’un bout à l’autre, les petites croisées carrées s’ouvraient sur une longue ligne droite ; les deux vastes portes, pendues à des gonds de charron de village, béaient, 
et l’on devinait le rauque cri qu’elles poussaient le soir.
 L’étouffement ne venait pas de l’irrespirabilité d’une atmosphère nullement confinée, ne rappelant en rien l’odeur des pièces closes. Il s’offrait aux narines avec l’air pur, 
 refoulait sans le faire disparaître son intact et aigu oxygène. On étouffait sans savoir pourquoi. Mais le cousin expliqua le mystère. Au-dessus du plafond s’entassait le formidable amas de foin des granges. La puissante odeur de milliards de tiges d’herbes descendait par les innombrables interstices et les incomptables fentes qui fissuraient les entre-solives. Cent cinquante hectares de bonne terre de fauche respiraient au-dessus des étables.

Le cousin Jules « tenait » là-dedans soixante dix vaches à lait, des bœufs et des taureaux. Il l’expliquait avec précision et indifférence, montrant du menton une série de crèches, forme nouvelle, qu’il commençait de faire installer. Mais ce n’était pas là ses seules bêtes à cornes ; il ne comptait pas ce qu’il appelait ses « bines » et ses « manes ». Augustin apprit qu’à côté des bêtes à lait, cheptel proprement dit des exploitations rurales, d’autres animaux s’achètent au printemps, se revendent à l’automne, et s’engraissent dans l’intervalle, sur ces grandes pâtures qu’on nomme traditionnellement des « montagnes », dans toute l’étendue des terres d’élevage.

Le mot ne signifiait pas, comme Augustin l’eût pensé, 
escarpements pour alpinisme, avec accompagnement d’ai-