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Dans quel texte classique ? Il remuait des souvenirs incertains.

— Tu te présentes à la licence en juillet prochain ?

— Non, évidemment. La Sorbonne a négligé de consulter les horaires de mon école, de manière à placer l’explication des programmes dans mes temps libres. Simple oubli.

— Tu devrais essayer de passer une bourse de licence.

— Quand se passent-elles ? Et comment se fait-on inscrire ?

— Mon petit, fit Augustin fâché de n’avoir pu arrêter à temps l’appellation pitoyable, cette insouciance te mènera à quoi ?

— Oh ! dit Vévé avec une nuance de susceptibilité qui rappelait l’ancien Vaton, je ne cherche pas à arriver. Marguillier y suffit.

— T’en fais pas, dit Marguillier, j’arriverai pour deux.

— J’ajoute que Vévé n’a pas de maîtresse connue, dit Appiat à voix haute et calme, envoyant l’interruption par-dessus la tête des autres causeurs comme un objet qu’on fait passer.

Augustin retrouva tout à coup le texte classique auquel il pensait en regardant Vévé. C’était du La Bruyère :

« Phédon a les yeux creux… il croit peser à ceux à qui il parle, il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur, il parle bas dans la conversation. Il articule mal… Il attend qu’il soit seul pour éternuer… Il n’en coûte à personne, ni salut, ni compliment. Il est pauvre. »

Tous les traits n’y étaient pas. Mais il y en avait quelques-uns.

Ils accompagnèrent Augustin jusqu’à son lycée, bavardant à grands éclats, le plaignant de se coucher si tôt, protestant que si on voulait les obliger, eux !… C’était Marguillier qui criait. Il le faisait pour trois. Augustin ne trouvait pas désagréable, une fois en passant, cette mousse de plaisir légère, coloriée et sans consistance qui flottait pour quelques heures sur sa vie.