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- Non, il ne fait pas « des choses », dit Vaton. Il fait de la littérature.

Il souriait à Augustin de ses yeux câlins et tendres, ravis de retrouver une ancienne amitié. Il souriait avec un grand charme de réserve, de rêverie et d’intelligente impuissance. Augustin comprit que la fraîcheur étonnée de son visage venait tout entière de ce regard.

Cependant les répliques se croisaient.

— Des vers, mon vieux. Il fait des vers. Et il s’est débaptisé. Vaton tout court ? Connais plus.

Connaissons plus. Lui-même connaît plus. Il s’appelle Vévé. C’est deux initiales pour Vaton-Verlaine. Une comédie lyrique. Trois actes.

— Jouée ?

— Méchant !… Plus vingt-trois mille quatre cent vingt-deux autres vers, hors actes et scènes, indépendants, francs-tireurs.

— Publiés ?

— Quarante-cinq d’entre eux l’ont été. Et payés. Non, vingt-huit seulement. Deux sonnets, c’est vingt-huit vers ? Dis, Vévé, combien que t’as touché pour tes deux sonnets ?

Vaton, désespérant d’arrêter ce flux, s’était retourné vers Augustin. Évidemment, il écrivait. Il préparait aussi sa licence ès lettres. Et il était surveillant d’internat dans une école secondaire ecclésiastique.

— En somme trois zones concentriques et de plus en plus intérieures. Pion, étudiant et la troisième n’a pas de nom.

Vaton avait l’air d’émettre des mots trop légers pour se tenir en équilibre dans l’air. Il parlait du bout de lèvres paresseuses, avec insouciance, plaisanterie, fierté, et une sorte de riant désespoir.

— Tu as vraiment publié quelque chose, ou est-ce que Marguillier plaisante ?

— Des petites choses vagues dans des bouts de revues…

Vévé ne semblait pas du tout désireux de préciser. Où donc Augustin avait-il lu quelque chose de semblable ?