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- Débarrasse nous-en, Bernier, fit Bruhl en soufflant de mépris.

Lancé dans le ciel d’un coup précis et tout-puissant, le ballon diminua sur les plans inclinés de l’air et commença, juste au-dessus d’un bâtiment à quatre étages, la seconde branche de sa parabole. Bernier s’était comme jeté à sa suite. Une fraction de seconde, le sol brun apparut, sous la ligne brisée de ses deux jambes.

— Ah ! les rosses ! cria un gros taupin en se jetant sur eux.

Mais une musculature d’un autre ordre le heurta comme une muraille. Des prises souveraines domptèrent ses poignets, brisèrent ses soubresauts. Le retournant d’où il venait d’une invitation irrésistible :

« Fous le camp », dit Bernier d’un ton suave.

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Vers le milieu de l’année, Bruhl parut évoluer.

Il rencontrait Augustin le dimanche dans l’une des salles du Louvre. Ils s’en retournaient ensemble, à l’heure où l’on fermait le musée, un peu avant le soir. Remontant les quais avec son ami, Bruhl admirait Notre-Dame et Saint-Séverin d’une admiration enfantine et ingénue, étonnante chez ce garçon qui connaissait tant d’autres églises et s’était promené à travers l’Europe.

Il interrogeait, plein de bonne volonté, mais, interprétant tout en symboles, avait besoin d’explications précises et de tris rigoureux.

Il entrait avec Augustin, le regardait prendre de l’eau bénite, s’étonnait des lampes du tabernacle, s’arrêtait devant les ex-voto de la Vierge, lisait à voix basse leurs libellés : les innombrables « Santé recouvrée », les « grâces obtenues », les « merci à ma Mère » appuyés d’initiales et de dates, seules identifications de ces gratitudes anonymes.

Pendant qu’Augustin priait devant la chapelle de la Sainte Vierge, il attendait debout parmi les colonnes capricieuses de l’abside. Ce parfum d’encens bon marché, cette