Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De noyau presque aussi stable qu’un corps chimique, le clan des « talas » (comme l’argot de l’École normale appelait les catholiques) finit par se composer essentiellement de Largilier, Paulin Zeller, Bernier et Augustin. Des vétérans de « la grande cagne », composés d’élèves ayant concouru les années précédentes, s’y joignaient. Bruhl y fréquentait volontiers, quoique Juif.

Leur promenade dessinait dans la cour grand A une trajectoire à deux rebroussements. Le premier, au contact des colonnes en fonte supportant le préau côté Panthéon, et le second, à l’autre bout, quand la rangée des cabinets vous insultait de ses souffles.

Bruhl propagandait pour son œuvre. Lui et Augustin étaient les têtes philosophiques de la classe. Inférieur à Augustin dans tout ce qui relevait de la culture classique, et même en philosophie, pour l’acquis et la netteté de pensée, mais bien plus que lui au courant des choses d’art, de musique, de culture étrangère, il avait surtout infiniment plus d’expérience réelle. De la vie parisienne et internationale (dont Augustin ignorait tout), ainsi que des réalités économiques, vues du côté des grandes affaires, il parlait avec une allusionnelle bonhomie, toute sa ferveur étant de l’autre côté. Augustin, en face de lui, se sentait parfois un enfant.

— Je te voudrais avec nous, lui disait-il, au cours de ses plaidoyers socialistes. Si tes croyances catholiques dominent le contingent, il faut aussi qu’elles s’y épanouissent.

— Je n’aime pas beaucoup les actes de Foi hors de leur seule place indispensable.

— Cochons !… cria Bruhl.

Augustin fit un haut-le-corps. Mais l’exclamation où rien n’indiquait le pluriel, s’adressait aux « taupins » dont une équipe, pour flétrir les fréquentations « cagneuses » de Largilier, venait de lancer contre eux un ballon de football qui atteignit Zeller.

— Si j’acceptais… (Voyons ! Je cherche une belle phrase noble, à cause de toi) les offres spirituelles du socialisme,