Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quel que soit le temps qui me reste, tu seras là pour les petits…

Et comme il voyait Augustin tout raidi de douleur subite, il ajouta d’un demi-sourire :

J’espère que tu n’auras pas à le faire trop tôt.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quand ils se réveillèrent le lendemain, dans la franche pluie des rentrées, le jour gris jaune leur montra deux lits d’un affreux acajou, des dessus de lit en dentelle pourrissante, et un baldaquin du temps de Balzac.

La chambre sentait une mince odeur bizarre et inexplicablement fade. Ils ouvrirent la fenêtre pour la chasser.

Le spectacle, bien qu’Augustin le devinât banal et semblable à celui de tous les autres matins, leur parut triste — ce qu’il était — et de plus tout à fait particulier et spécial à ce jour, et tel qu’on ne pouvait vraiment le voir qu’une fois. Il faisait corps avec des impressions de rentrée, de séparation, de partie de vie révolue, à quoi se mêlait la souffrance causée la veille au soir par les paroles de son père. Tout cela n’était ni plaisant, ni douloureux, grave seulement, au-dessus du plaisir et de la douleur.

Longtemps après, quand Augustin voulut retrouver cette maison, rien n’en restait : disparu, l’hôtel borgne ; charrié en de lointains et poussiéreux décombres, eux-mêmes dissipés dans les terrains des diverses banlieues. Huit étages de meulière, de calcaire de Beauce et de ciment armé le remplaçaient.

— Ce côté est la partie noble de l’édifice. J’habitais par derrière. Je te montrerai.

Ils décidèrent d’explorer le revers. Ils s’y rendirent par des couloirs à carreaux rouges, sur lesquels respiraient des cabinets infermables. L’odeur ne venait pas de là, bien qu’elle crût à chaque pas.

— La chambre où nous avons couché coûtait quarante francs par mois. Celle que nous allons voir, vingt francs.

Un garçon frisé, au cou gras et trop blanc, granulé de