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a priori, dans le glissement facile et la suspecte aisance avec laquelle il précédait les conclusions de Renan sur leurs propres trajectoires, leur montrait le chemin et arrivait premier ?

La glace de cheminée lui renvoyait son reflet : habillé, concentré, les bras croisée, un poing dressé jusqu’à sa bouche, et qu’il mordait.

Il sortait de là brisé, suant d’angoisse, vaguement vaincu dans sa victoire, des douleurs sur les bras comme s’il s’était battu, inquiet pour l’avenir et sentant l’attaque grosse de recommencements infinis.

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— Mais que fais-tu donc, Augustin, tu déclames ?

Christine était devant lui, sans qu’il l’eût entendue. Il venait de parler tout haut : « avoir peur… yeux fermés par l’épouvante… violateur de bois sacré »… Peut-être sa sœur avait-elle surpris ces mots-là.

Il demanda l’heure.

— Huit heures moins le quart. Tu n’auras pas le temps de déjeuner.

Il se rappela avoir regardé sa montre au moment du premier agenouillement contre le bord du lit : il y avait deux heures qu’il souffrait.

— Mais qu’est-ce que tu as, Augustin ? Mais comme tu es drôle !

Christine le regardait bourrer sa serviette, déplacer deux ou trois fois les mêmes livres, chercher ce qui se trouvait sous sa main.

— Je n’ai rien, finit-il par dire d’un ton de triomphe froid.

Dans ses yeux luisait cet éclat d’impassible joie par lequel débutaient régulièrement ses gamineries.

— Je n’ai rien. Je vais bien. Il fait beau. Je dégonfle un monsieur obèse.

Il leva l’index comme un mage et visa le nez de Christine.

— Je dis plus. Si Dieu s’est accommodé des conditions anatomiques