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excuses bégayées, puis s’en retourne à la cuisine, présentant à Augustin son vaste derrière ovalisé d’où pend un nœud de robes lourdes. Cependant les petits bras de quatre ou cinq ans enveloppent le cou maternel. Les lèvres assurent qu’on ne le fera jamais plus, « tu verras, jamais plus ». Puis toutes ses plaies enfin débridées, la conscience pardonnée achève d’éliminer le remords dans les saccades et le bouillonnement des sanglots.

La contrainte morale prend une autre forme encore. Il faut apprendre par cœur deux questions de catéchisme chaque jour. Tous les matins, quand on vient de manger à la cuisine la soupe au lait de la grosse Catherine, maman fait réciter, après la prière, les deux questions expliquées la veille. La petite sœur Christine, vacillant sur des jambes novices, tire sa maman par la robe. C’est le moment que choisit un autre bébé de quelques mois pour se lamenter dans son berceau. Les lits sont défaits. La pesée des corps s’y marque. Cette chambre où dorment une maman et ses trois enfants, parce que l’appartement est fait de pièces immenses et peu nombreuses, cette vaste chambre au papier brun ancien tolère une espèce de désordre douillet, spécialement associé pour Augustin au souvenir de certains jours d’hiver.

Ces jours-là, une étrange lumière livide et impassible pénètre la chambre au matin. Elle tombe d’un plafond plus blanc que d’habitude. Elle semble naître là, sur les plâtres mêmes, tandis que le ciel gris, beaucoup plus sombre qu’eux, affirme d’un air renfrogné qu’il n’est pour rien dans cet éclairage et s’en désintéresse. En effet, c’est de plus bas qu’il vient : les toits, les balcons, la rue, les trottoirs sont blancs de neige.

À ce désordre matinal se mêlent les mots théologiques. Ce sont des mots très difficiles et impressionnants. Ils ressemblent à ceux que les grandes personnes disent entre elles quand elles ne veulent pas que les enfants comprennent. Il est vrai que Mme Méridier en met d’autres à la place, bien plus faciles, pour les expliquer. Mais voilà ! Ce