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tâtons, dans la même pièce, d’un doigt que tentent d’autres cœurs. Un sentiment précis du positif prononce des mots qu’Augustin ne veut pas entendre, quelque chose comme : « Tu t’es bien défendu. »

Mais la tristesse et l’incertitude, nées de l’appel méprisé, portent avec elles comme une clarté rétrospective. L’appel n’a été ni subit ni isolé. Maints moments antérieurs de la treizième à la seizième année, s’éclairent à cette nouvelle lumière, obscurs lorsqu’ils se produisirent. Des plénitudes mêlées d’espérance, sans rapport à rien de terrestre, vaguement connexes à du sacré. De rares moments lumineux, pas toujours liés à des cérémonies ou à des communions, allant, venant, sans grande raison, dans son âme, brises douces, sortes de poussées vers des lieux d’où l’on voit de plus près l’autel. Le tintamarre de fête populaire se détourne vers des rues extérieures, et l’on sent plus lointaine la ville qui mange, boit, s’amuse et fait du bruit.

C’est le lendemain matin que M. Méridier, pénétrant dans la chambre d’Augustin, un journal à la main, lui dit :

— T’apprendrai-je que le succès de la liste Marguillier a été écrasant et, qu’une fois de plus, la République est sauvée ?

Sa mère venait d’ouvrir la fenêtre et de lui porter son déjeuner. Une odeur d’imprimerie et de café au lait se répandait dans l’air du matin.

Dix jours de perdus. Tel est le bilan de la maladie.

Plus de l’infixé, parmi les perspectives d’Augustin et ses certitudes pratiques, un compte à débattre sur les registres de son âme, une nouvelle attitude de défense et de semi-détresse prise malgré lui par tous les sentiments qui le composent, jusqu’à la joie de respirer et la douceur de vivre.

À la rentrée de Pâques, M. Rubensohn a été parfait.

— Envoyez-le-moi donc, a-t-il dit à M. Méridier.