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elle, tout alla tellement bien, s’arrangea si heureusement, que sa voix n’eut jamais besoin d’être élevée d’un ton. Le char du temps glissa sur des surfaces lisses. La chambre où elle couchait avec la petite Jacqueline, dangereusement près de la chambre paternelle, joua à changer de place avec le salon, d’où aucun bruit ne pouvait s’entendre. C’était même plus commode, en réalité, si vous vouliez bien faire attention à tel point de détail inaperçu jusque-là, comme le sens d’ouverture de la porte, l’orientation de la cheminée et le danger des courants d’air. La nouvelle disposition l’obligeait sans doute à circuler un peu plus dans la maison, mais elle n’en surveillerait que mieux. Les menus servis le soir et à midi comportèrent régulièrement des plats sucrés, des primeurs, que le professeur aimait. Régulièrement aussi, ils étaient censés faire mal à son estomac à elle, ou à ses dents, le siège de la douleur variant, mais la réduction du coût qu’elle entraînait restant constante. Également lui firent mal, mais dans une autre partie de sa sensibilité, les corsages nouveaux, les chaussures neuves et les chapeaux frais. Pierre et Suzanne apprirent à jouer à voix presque basse et elle surveillait elle-même leurs devoirs et leurs leçons, dans une salle à manger où se passaient aussi les raccommodages.

Christine lui aida beaucoup à maintenir ces nouvelles conventions de sérénité et de silence.

Personne n’expliquait comme elle à la souffrante petite Jacqueline — trois ans — qu’il ne fallait pas pleurer parce que cela faisait du mal au pauvre Papa. Elle connaissait l’art de faire en un tournemain, d’une manière suffisamment soignée pour mériter un « 7 pointé », les devoirs que donnait, aux Ursulines, Mère Marie des Cinq-Plaies. Avec la même vitesse, elle apprenait aussi les leçons, de la manière exacte dont l’exigeait cette Mère. Et, ces tâches remplies, elle réservait la meilleure partie de son temps pour la véritable Maman à la maison.

Cette petite de douze ans comprenait sa mère sans besoin d’aucun signe. Elle n’était, quand il le fallait, qu’immo-