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DEUX AMIES

Mlle Moïnoff avait l’audace de son rôle. Serrée dans sa jaquette de drap, avec un petit col droit, une robe simple de cheviotte rayée, tour à tour elle s’agenouillait dans une chapelle de la Madeleine, ou faisait les cent pas au marché aux fleurs, ou même louait un cabinet particulier de restaurant, une chambre d’hôtel garni. Cependant, après ces escapades, elle revenait plus tendre, plus désirante, se jeter aux pieds de Jeanne, comme, au lendemain d’une amourette de rencontre, on retourne à la maîtresse préférée, tout heureux de savourer les caresses habituelles. Et elle exigeait de son amie une fidélité absolue, ainsi qu’au couvent.

Un article, qu’elle lut à cette époque dans une gazette galante, — article musqué et prétentieux où l’on élaborait un projet de club féminin, — ouvrit des horizons nouveaux à l’imagination démente de Mlle Moïnoff.

Pourquoi ne réaliserait-elle pas ce projet ? Pourquoi ne fonderait-elle pas avec Mlle de Luxille et avec ses autres amies, — toutes celles qu’elle avait marquées de son baiser comme les ouailles d’un troupeau, — une