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DEUX AMIES

cloche, une chanoinesse — la dernière vraie peut-être — qui malgré son air majestueux de portrait familial et ses relations avec tous les évêques du monde, donne volontiers à danser et n’a nullement renoncé aux plaisirs profanes et aux fredons de Johann Strauss.

Eva avait un grand succès dans toutes les maisons où on la conduisait.

Elle valsait admirablement — surtout le « racket » — la valse qu’on traîne comme pris de vertige, cette danse sensuelle faite de frôlements prolongés, de paresses lasses suivies d’emballements éperdus. Elle était l’homme toujours et son corps onduleux se pliait au rythme des violons, s’enlaçait étroitement au corps de la danseuse qu’elle soutenait de ses bras nerveux, qu’elle emportait comme en un tourbillon irrésistible. Les plis de leurs robes se confondaient en quelque chose de vague qui flottait légèrement, comme un pavillon de satin gonflé par le vent.

Et avec son instinct mauvais, sa science des nervosités féminines, Mlle Moïnoff les essayait toutes comme des instruments. Elle devinait