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LES PARISIENNES

maladive, elle avait l’air d’avoir été taillée à coups de serpe dans une racine de buis. Elle marchait de l’allure saccadée et automatique des « boudinés », qui s’en vont le dos un peu courbé et brinquebalant des coudes.

Mais dans cette figure fruste, l’on ne voyait que les yeux, — les yeux larges, veloutés, profonds comme la mer tapissée d’algues vertes. Ils riaient d’un rire spirituel et insouciant de jeunesse. Toute la vie, tous les désirs inavoués, les sensations multiples du cœur et du cerveau se concentraient à l’abri de ces cils longs et noirs, flottaient tour à tour comme des ombres ou comme des rayons sous ses paupières. Une perdition s’en dégageait.

Son masque ensorcelait étrangement. Il y avait comme un arrière-goût de vice.

Bien qu’elle eût une année de moins qu’Eva, elle était aussi dépravée, aussi gangrenée que sa grande amie. L’élève même dépassait parfois sa maîtresse, intervertissait les rôles anciens. Elle écoutait aux portes les conversations lâchées de M. de Luxille. Et cherchant à tout comprendre, à tout connaître, elle amplifiait