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LES PARISIENNES

qui frisottaient sur sa nuque, puis dans la chair rose et tiède blondie par l’ombre de l’oreille, puis sur les lèvres, comme si elle avait mordu un fruit savoureux, et l’uniforme de Jeanne, la robe collante, qui moulait les rondeurs naissantes de cette gorge de gamine, en était toute chiffonnée.

La petite avait l’impression morose d’une prisonnière qui regagne sa cellule quand on la reconduisait au couvent le soir. Sa peau sèche était picotée de lancinantes démangeaisons. Le froid la saisissait dans son lit, au dortoir. Elle oubliait ses devoirs. Elle oubliait les fleurs de son jardin. Elle cherchait les coins d’ombre pour pleurer. Et ses pensées s’envolaient par-dessus les murs élevés vers la chambre tendue de perse tendre où les bouquets, le linge d’Eva embaumaient l’air.

La séparation, l’isolement l’asservissaient davantage à l’influence morbide et énervante de Mlle Moïnoff, décuplaient ses sens, pourrissaient son imagination et son cœur. Le vice l’envahissait, s’infiltrait dans son organisme anémié.