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DEUX AMIES

Jeanne était inguérissable et condamnée à son vice jusqu’au jour où son corps surmené se rebellerait, où quelque sourde et douloureuse maladie la clouerait inerte comme un invalide sur une de ces petites voitures qu’on traîne au soleil, lentement ; n’était-ce pas perdre son temps que de chercher à l’arrêter, que chercher à l’importuner par d’inutiles récriminations ?

Au fond, bien qu’il eût pris son parti de tout ce qui lui arrivait, du ratage absolu de sa vie, du boulet désastreux qu’il s’était imprudemment rivé au pied, Stanislas consultait des médecins, lisait des livres techniques et attendait le dénouement prévu avec de secrètes impatiences. Dans sa solitude, il escomptait les chances qu’avait Jeanne d’être emportée avant lui, il calculait le laps de temps probable qui le séparait de cette délivrance. Peut-être se remarierait-il alors, mais avec combien de précautions, combien de tâtonnements avant d’affronter une seconde fois cette dangereuse loterie. En attendant, il tirait de son côté comme s’il eût été séparé de sa femme, voyageait sans l’en pré-