Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
DEUX AMIES

comme une fêlure. Une faiblesse étrange prostrait ses membres et cette langueur au lieu de l’assoupir, de la calmer, attisait sa fièvre.

Elle eût donné ce qui lui restait d’années à vivre pour être dans la chambre tendue de peluche feuille-morte, pour s’anéantir dans les bras de Suzette, comme le soir où elles étaient revenues ensemble du théâtre.

Mise en gaieté par le « Liebfraumilch » — ce vin couleur de soleil qui réchaufferait un moribond — Suzette taquinait son amie, la servait, la cajolait, et comme Mme de Tillenay se défendait, cherchait à intervertir les rôles, la petite actrice répéta avec un entêtement despotique :

— Je veux, je veux… Puisque j’ai des culottes, c’est moi qui dois te faire la cour…

Et elle s’en acquittait à miracle, la gamine, elle avait l’air de Chérubin qui récite la romance à Madame, qui se glisse et se cache dans la traîne de la comtesse et profite le la liberté qu’on lui laisse, de ce qu’on dit, en montrant ses joues roses pas même duvetées : « Un enfant, est-ce que cela compte », pour