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LES PARISIENNES

baller. Elle dépenserait sa fortune à pleines poignées sans compter, sans écouter la moindre observation de son mari. Elle mangerait sa dot comme un cadet de famille qui vient d’hériter et veut réparer le temps perdu. Elle entretiendrait des actrices, de jolies cabotines avec lesquelles on ne se gêne pas, on parle argot et l’on peut avoir toutes les curiosités les plus osées.

Et Suzette Rivière lui plut tout de suite.

Mais ce fut bientôt autre chose qu’un caprice d’un soir, qu’une turlutaine qui s’en va comme elle est venue. La résistance inattendue de l’actrice — l’indifférence impertinente avec laquelle elle recevait les bouquets de Mme de Tillenay et laissait ses lettres sans réponse — surexcitèrent la nature impressionnable et obstinée de Jeanne. Suzette Rivière ne la regardait même pas dans l’avant-scène où elle arrivait tous les soirs à la même heure, au moment où le petit abbé chantait les couplets toujours bissés de la leçon d’amour. Pourtant Mme de Tillenay la couvrait de fleurs, et de bijoux, comme une idole indienne. Elle lui écrivait des billets de