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DEUX AMIES

son livre d’heures ! Et quel livre d’heures ! les contes de Boccace annotés sans orthographe par des mains de danseuses ! Suzette semblait vraiment échappée d’une toile de Watteau avec son air déluré, sa figure rose trouée de fossettes, sa bouche gourmande et sa perruque poudrée. L’abbé mettait une élégante tache noire dans le fouillis des robes claires, des grands peignoirs à falbalas. Une tache sémillante, papillotante, allante et virante qu’on revoyait tout le temps et qui amusait. Puis, la petite avait une façon si cavalière de dire ses couplets avec une voix grêle — toute pleine de sous-entendus — elle avait un air si fripon, si prometteur quand elle effleurait au passage un bout d’épaule décolletée ou une nuque blonde, quand elle saluait d’un pan de nez très insolent mais bien peu orthodoxe l’arrivée du mari mécontent, quand, avec la cabaretière sur ses genoux, elle prenait phrase par phrase et baiser par baiser sa première leçon d’amour.

Jeanne, qui était venue avec son mari et la baronne de Millemont, en eut comme un éblouissement et elle harcela de questions