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DEUX AMIES

pauvre cœur, comment ne me l’as-tu pas écrit franchement, comment n’as-tu pas deviné entre les lignes de mes lettres combien je m’ennuyais, combien je souffrais d’être retenu loin de toi comme par un boulet de galérien, d’être privé de ta vue et de tes tendresses ?

Luce le laissa parler, recueillie et pénétrée jusqu’au fond de l’âme par cette protestation passionnée qui lui rendait ses forces atrophiées, qui la régénérait comme un baume salutaire. L’aveu de sa faute lui remontait aux lèvres, et elle se trouvait indigne d’être ainsi aimée, ainsi exaltée, elle qui n’était plus honnête, qui avait foulé aux pieds et souillé d’une tache boueuse son honneur de femme.

— Pardonne-moi si je t’ai fait de la peine, s’écria-t-elle. On ne devrait point douter des absents aimés, et pourtant j’ai douté de toi, j’ai ajouté foi aux odieuses, aux stupides insinuations dont tout le monde ici s’amusait et se délectait. Pardonne-moi d’avoir été ingrate à ce point. J’étais toute seule, inquiète, harcelée par les uns, par les autres. Je ne savais pas ce que tu devenais, pourquoi tu ne