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DEUX AMIES

bête, à des souvenirs de roman, à des désirs confus d’idéal ; où se retrouvait un fond d’égoïsme, — l’égoïsme à deux, qui est l’essence même de n’importe quelle affection. De là des jalousies sans cesse éveillées, des scènes larmoyantes, pour un rien, un regard, un sourire équivoque, l’échange d’un bouquet ou d’une image emblématique qu’on glisse entre les pages du paroissien…

— Tu me trompes, tu es une ingrate ! sanglotait parfois Eva, à la suite d’une récréation où Jeanne avait coqueté à droite et à gauche.

Et elles se tourmentaient mutuellement, elles se boudaient pour se réconcilier au bout de cinq minutes.

Un jour, elle l’aborda avec une moue rageuse, et lui serrant les mains dans les siennes, la regardant fixement dans les yeux, elle s’écria brusquement :

— J’ai rêvé cette nuit que tu te mariais ! Dis-moi que cela n’arrivera jamais !

Mlle de Luxille, étonnée, ne se défendait pas. Alors Eva se roula à ses genoux, s’arracha les cheveux, la gorge soulevée de hoquets convulsifs.