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DEUX AMIES

pas deviner qu’on l’aime et qu’on l’aime encore, qu’on ne pense qu’à elle, qu’on n’a plus que la force de lui donner tout ce qu’elle voudra prendre.

Elle prononça très lentement ces derniers mots d’une voix faible qui s’entendait à peine, et Eva transportée en savoura sur ses lèvres les promesses exquises. Ce long baiser raffiné, fou, insatiable qui les anéantissait en même temps dans un frisson de plaisir renaissant et maladif, les grisa tellement qu’elles chancelèrent et durent s’asseoir dans l’épaisse toison de feuilles amoncelées sur l’herbe.

Le soleil de cette fin de journée d’automne était aussi pâle, aussi doux qu’une clarté de cierge. Entre les troncs des arbres verdis de mousse et les statues de marbre, la nappe verte de l’étang transparaissait reflétant les nuages gris et les passées d’oiseaux voyageurs qui s’enfuyaient à tire-d’aile. Les feuilles tournoyaient incessamment dans l’air, rouges et dorées. On entendait des sifflements de merles. Et le vent charriait des odeurs humides d’allées défeuillées, de chrysanthèmes refleuris,