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DEUX AMIES

une colère latente contre elle-même, contre sa nature hésitante et timide.

Il fallait se dégager d’une façon ou d’une autre de cette stagnation intolérable, de ces essais infructueux qui n’aboutissaient à rien et qui les détraquaient toutes les deux inutilement. Eva risqua sa dernière chance.

Un jour, pendant une promenade dans le parc, elle confessa à Mme Thiaucourt les liens secrets qui l’attachaient à Jeanne de Tillenay. Elle mit tout son cœur au vif et lui raconta la vie passée — leur liaison libertine, d’abord au couvent, puis chez leurs parents et que n’avait pas interrompue le mariage de Mlle de Luxille. Elle lui lut les lettres d’amour toquées, remplies de détails obscènes, de souvenirs extasiés, d’appels inassouvis — comme brûlées par la flamme superbe d’un feu de joie — que Jeanne lui écrivait depuis sept ans.

Donc, c’était en vain qu’Eva avait sacrifié ce bonheur, renoncé à ces voluptés pour n’appartenir qu’à son amie nouvelle ; c’était en vain