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DEUX AMIES

plus de goût à rien, un ennui morne qui la faisait bâiller à chaque instant ; une apparence de mannequin qui occupait une chaise dans le salon ou dans la salle à manger mais qui ne prononçait pas une parole. Et elle ne ressuscitait à la vie que lorsqu’elle se retrouvait seule auprès de Mme Thiaucourt.

Cette exaltation désordonnée inquiétait Luce, et en voyant le changement de son amie, en scrutant les ravages de la maladie, elle avait un remords véritable, elle se reprochait de ne pas avoir repoussé au début les avances d’Eva, de s’être montrée coquette et engageante, d’avoir soufflé sur le feu qui flambait aujourd’hui comme un inextinguible incendie.

Elle qui n’avait jamais fait de mal à personne, jamais refusé l’aumône à un pauvre dans la rue, ne se montrait-elle pas bien dure, bien inexorable pour cette belle enfant qui se mourait de trop l’idolâtrer ? Pouvait-elle sans pitié prolonger ces angoisses muettes, repousser encore, repousser toujours l’amoureuse qui revenait malgré toutes les tortures subies, qui ne se lassait pas de souffrir et qui espé-