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DEUX AMIES

faute sous l’ombre complaisante des rideaux tirés. Le dénouement s’accomplirait ainsi ou bien jamais. Les femmes longtemps vertueuses ont de ces raffinements profonds qui les sauvent parfois et retardent au moins leur chute.

Et Eva s’entêtait à rôder avidement autour de son amie comme un félin affamé qu’on tient à la chaîne. Aucun homme n’eût adoré et désiré une femme comme elle adorait et désirait la blonde et mignonne créature dont une force obstinée et comme invincible paraissait l’écarter. Elle vidait sa cervelle et s’idiotisait à prolonger cette lutte de tous les instants. Elle ne savait qu’inventer pour prouver son amour à Luce, pour l’émouvoir, pour tromper sa soif dévorante.

Elle achevait les bouts de cigarettes turques que la jeune femme avait fumées, se délectait à coller ses lèvres à la place encore humide de la salive de sa chère cruelle. Elle se levait à l’aube pour aller lui cueillir — à deux lieues du château — dans un jardin d’éclusier, des chrysanthèmes roses qu’elle aimait. Elle por-