Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
LES PARISIENNES

désenchantés le dégoût que lui inspiraient les hommes. Le mariage n’était-il pas une série de souffrances et de désillusions, depuis la surprise brutale de la première nuit qui viole les pudeurs chastes jusqu’aux grossesses pénibles déformant la femme, l’exposant à mourir désolément en pleine jeunesse, jusqu’aux drames intimes d’intérieur, aux lassitudes qui désunissent, aux tromperies banales et mutuelles ? Elle s’exaltait en attaquant les croyances de son amie, tournait en dérision l’amour maternel et savamment décrivait son rêve dangereux de n’appartenir qu’à une autre femme qui l’aimerait et qu’elle aimerait, de s’isoler avec elle dans une communauté absolue d’actes et de sensations. Elles se comprendraient. Elles auraient les mêmes délicatesses, les mêmes subtilités, les mêmes coquetteries. Elles vieilliraient en même temps, sans s’en apercevoir. Elle faisait de cette utopie malsaine quelque chose de délicieusement pur, de charmant, d’idéal. Elle calmait ainsi les scrupules de Luce encore inhabituée à de pareilles pensées. Et lorsque Mlle Moïnoff ajoutait, après lui avoir dit qu’elle