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DEUX AMIES

phrase heureuse se figeait sur ses lèvres gercées de fièvre, une exclamation de tendresse où passaient toute leur sentimentalité et la joie de papoter dans ce silence, de se câliner bien doucement alors que les autres dormaient…

— Que c’est bon d’être ensemble, dis ?

— Tu n’aimeras jamais que moi ; jure-le, mon trésor ?

Le lit étroit les rapprochait. Une chaleur les gagnait insensiblement. La lointaine lueur de la veilleuse découvrait la gaucherie de leurs mouvements et de leurs poses. Elles étouffaient des rires nerveux de chatouilles.

Et par instants la causette s’interrompait, leurs yeux se fermaient comme si elles eussent cédé à une fatigue profonde, leurs mots jolis de romance se croisaient rapides, oppressés, et les couvertures qui dessinaient les contours de ces corps à peine formés avaient le frémissement, les régulières ondulations d’un étang calme…

— Tu n’aimeras jamais que moi ? répétait Jeanne, comme si elle eût récité une prière.