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DEUX AMIES

Eva, instruite par son premier insuccès, évitait avec soin de brusquer les choses, de reprendre la scène qu’elle avait jouée dans le salon désert de Mme de Tillenay.

Elle semblait avoir abandonné le siège, ne désirer qu’une amie, une véritable amie à laquelle on fait ses confidences et dont on partage les espoirs et les rêves. Jeanne elle-même s’y trompait, ne reconnaissait plus la vicieuse incurable dont elle était encore la maîtresse soumise et docile.

Pourtant Mlle Moïnoff était toute changée, toute malade. Elle avait eu en voyant Mme Thiaucourt un de ces coups de cœur violents qui secouaient son organisme. Elle l’aimait comme elle avait aimé Jeanne, puis Mme de Millemont, puis toutes celles qui lui cédaient.

Les obstacles à surmonter pour assouvir son impossible amour l’éperonnaient à en devenir folle et elle eût consenti à commettre n’importe quelle mauvaise action, à se perdre de réputation si elle avait pu attirer Luce dans ses bras, la garder, sentir son cœur engourdi jusque-là battre à coups précipités et voir son