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CHAPITRE XXXII.

Mais, permettez-moi de vous le demander, messieurs, vous amusez-vous autant qu’autrefois au bal et à la comédie ? — Pour moi, je vous l’avoue, depuis quelque temps toutes les assemblées nombreuses m’inspirent une certaine terreur. — J’y suis assailli par un songe sinistre. — En vain je fais mes efforts pour le chasser, il revient toujours, comme celui d’Athalie. — C’est peut-être parce que l’âme, inondée aujourd’hui d’idées noires et de tableaux déchirants, trouve partout des sujets de tristesse, comme un estomac vicié convertit en poisons les aliments les plus sains. — Quoi qu’il en soit, voici mon songe : — Lorsque dans une de ces fêtes, au milieu de cette foule d’hommes aimables et caressants qui dansent, qui chantent, — qui pleurent aux tragédies, qui n’expriment que la joie, la franchise et la cordialité, je me dis : — Si, dans cette assemblée polie, il entrait tout à coup un ours blanc, un philosophe, un tigre, ou quelque autre animal de cette espèce, et que, montant à l’orchestre, il s’écriât d’une voix forcenée :