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quement mon fauteuil avant que mon âme eût le temps de l’avertir qu’il manquait une brique derrière ; l’impulsion fut si violente, que ma chaise de poste se trouva absolument hors de son centre de gravité et se renversa sur moi.

Voici, je l’avoue, une des occasions où j’ai eu le plus à me plaindre de mon âme ; car, au lieu d’être fâchée de l’absence qu’elle venait de faire, et de tancer sa compagne sur sa précipitation, elle s’oublia au point de partager le ressentiment le plus animal, et de maltraiter de paroles ce pauvre innocent.

« Fainéant, allez travailler ! » lui dit-elle (apostrophe exécrable, inventée par l’avare et cruelle richesse !)

— Monsieur, dit-il alors pour m’attendrir, je suis de Chambéry…

— Tant pis pour vous.

— Je suis Jacques ; c’est moi que vous avez vu à la campagne ; c’est moi qui menais les moutons aux champs…

— Que venez-vous faire ici ? »

Mon âme commençait à se repentir de la brutalité de mes premières paroles. — Je crois même qu’elle s’en était repentie un instant avant de les laisser échapper. C’est ainsi que, lorsqu’on rencontre inopinément dans sa course un fossé ou un