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Cet avantage m’avait fait désirer l’invention d’un miroir moral, où tous les hommes pourraient se voir avec leurs vices et leurs vertus. Je songeais même à proposer un prix à quelque académie pour cette découverte, lorsque de mûres réflexions m’en ont prouvé l’inutilité.

Hélas ! il est si rare que la laideur se reconnaisse et casse le miroir ! En vain les glaces se multiplient autour de nous, et réfléchissent avec une exactitude géométrique la lumière et la vérité : au moment où les rayons vont pénétrer dans notre œil et nous peindre tels que nous sommes, l’amour-propre glisse son prisme trompeur entre nous et notre image, et nous présente une divinité.

Et de tous les prismes qui ont existé, depuis le premier qui sortit des mains de l’immortel Newton, aucun n’a possédé une force de réfraction aussi puissante et ne produit des couleurs aussi agréables et aussi vives que le prisme de l’amour-propre.

Or, puisque les miroirs communs annoncent en vain la vérité, et que chacun est content de sa figure ; puisqu’ils ne peuvent faire connaître aux hommes leurs imperfections physiques, à quoi servirait un miroir moral ? Peu de monde y