Je me ressouvins tout à coup qu’il y avait longtemps que je n’en avais point donné à mon domestique.
« Joannetti, lui dis-je en retirant mon pied, avez-vous de l’argent ? »
Un demi-sourire de justification parut sur ses lèvres à cette demande. — « Non, monsieur ; il y a huit jours que je n’ai pas un sou ; j’ai dépensé tout ce qui m’appartenait pour vos petites emplettes.
« — Et la brosse ? C’est sans doute pour cela ? »
Il sourit encore. — Il aurait pu dire à son maître : « Non, je ne suis point une tête vide, un animal, comme vous avez eu la cruauté de le dire à votre fidèle serviteur. Payez-moi 23 livres 10 sous 4 deniers que vous me devez, et je vous achèterai votre brosse. » — Il se laissa maltraiter injustement plutôt que d’exposer son maître à rougir de sa colère.
Que le ciel le bénisse ! Philosophes, chrétiens, avez-vous lu ?
« Tiens, Joannetti, lui dis-je, tiens, cours acheter la brosse.
« — Mais, monsieur, voulez-vous rester ainsi avec un soulier blanc et l’autre noir ?
« — Va, te dis-je, acheter la brosse ; laisse, laisse cette poussière sur mon soulier. »