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mandée. Je sortis la tête des plis de mon habit de voyage, où je l’avais enfoncée pour méditer à mon aise et pour me remettre des tristes réflexions que je venais de faire. — « Ne vois-tu pas, Joannetti, lui dis-je après un moment de silence, et tournant mon fauteuil de son côté, ne vois-tu pas qu’un tableau étant une surface plane, les rayons de lumière qui partent de chaque point de cette surface… ? » Joannetti, à cette explication, ouvrit tellement les yeux, qu’il en laissait voir la prunelle tout entière ; il avait en outre la bouche entr’ouverte : ces deux mouvements dans la figure humaine annoncent, selon le fameux Le Brun, le dernier période de l’étonnement. C’était ma bête, sans doute, qui avait entrepris une semblable dissertation ; mon âme savait du reste que Joannetti ignore complétement ce que c’est qu’une surface plane, et encore plus ce que sont des rayons de lumière. La prodigieuse dilatation de ses paupières m’ayant fait rentrer en moi-même, je me remis la tête dans le collet de mon habit de voyage et je l’y enfonçai tellement, que je parvins à la cacher presque tout entière.

Je résolus de dîner en cet endroit. La matinée était fort avancée : un pas de plus dans ma chambre aurait porté mon dîner à la nuit.