Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les joues, — sur cette bouche ; — ah ! Dieu ! le cœur me bat ! — sur le menton, sur le sein : ce fut l’affaire d’un moment ; toute la figure parut renaître et sortir du néant. — Mon âme se précipita du ciel comme une étoile tombante ; elle trouva l’autre dans une extase ravissante, et parvint à l’augmenter en la partageant. Cette situation singulière et imprévue fit disparaître le temps et l’espace pour moi. — J’existai pour un instant dans le passé, et je rajeunis contre l’ordre de la nature. — Oui, la voilà, cette femme adorée, c’est elle-même, je la vois qui sourit ; elle va parler pour dire qu’elle m’aime. — Quel regard ! viens, que je te serre contre mon cœur, âme de ma vie, ma seconde existence ! Viens partager mon ivresse et mon bonheur !

Ce moment fut court, mais il fut ravissant : la froide raison reprit bientôt son empire, et, dans l’espace d’un clin d’œil, je vieillis d’une année entière ; — mon cœur devint froid, glacé, et je me trouvai de nouveau avec la foule des indifférents qui pèsent sur le globe.