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POÉSIES DIVERSES.

    « Ils le sont tous lorsque l’on s’aime !
« Qu’en penses-tu, Barbet ?
                           — Mais j’y songe moi-même, »
  Reprit le camarade ; « au lieu de grommeler,
  « De nous battre sans cesse et de nous quereller,
  « Soyons amis, Briffaut, c’est moi qui t’en convie.
  « Nous vivrons sans aigreur comme sans jalousie,
  « Et nous ne verrons pas comment passe le temps ;
  « Nous irons côte à côte attaquer les manants ;
  « Ensemble on nous verra dormir et nous repaître,
  « Jouer innocemment, caresser notre maître.
  « Je me sens tout ému quand je pense à cela.
  « Donne la patte, allons.
                            — J’y consens : la voilà.
  « Je suis tout prêt moi-même à pleurer de tendresse. »
    Et nos amis de s’embrasser,
  De battre de la queue et de se caresser.
  Mais, comme ils en étaient à hurler d’allégresse,
    Le marmiton leur jette un os.
  La trêve est expirée, adieu les bons propos !
  Oreste furieux s’élance sur Pylade :
    Il ne s’agit plus d’embrassade,
    Nos deux amis jouant des dents ;
  Avec peine un seau d’eau calme les combattants.

  D’une telle amitié l’exemple chez les hommes
  Se rencontre souvent dans le siècle où nous sommes,
  Et cette fable au vrai nous peint beaucoup de gens.
  Ils sont tout feu, tout flammes : on dirait des amants ;
  Leur amitié sincère en proverbe est passée.
  Mais jetez-leur un os, vous verrez leur pensée :
  Tous leurs bons sentiments feront place aussitôt
      À la tendresse de Briffaut.