Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
442
POÉSIES DIVERSES.

« Tandis que ce fripon prend un bain de santé !
« Des dieux (puisqu’il en est) où donc est la justice ? »
    Ainsi le ciel est gourmandé
    Par le philosophe échaudé,
Lorsque Alecton, pour venger cette injure,
Sort tout à coup de l’abîme profond :
Mille serpents composent de son front
    L’épouvantable chevelure ;
Elle parle, et l’Auteur, muet à son aspect,
Reconnaissant sa muse, écoute avec respect :

« Misérable, oses-tu blâmer la Providence,
    « Dont la juste vengeance
« Pour tes crimes passés te punit aujourd’hui ?
« Ceux de cet assassin ont fini comme lui,
    « Lorsqu’il a terminé sa vie.
« Mais le nombre des tiens croît et se multiplie
    « Avec tes coupables écrits,
« Qui vont de siècle en siècle égarer les esprits.
« Tes os depuis longtemps sont réduits en poussière,
« Et le soleil jamais ne rouvre sa carrière
« Sans éclairer encor mille crimes nouveaux,
« Fruits tardifs, mais constants, de tes affreux travaux,
« À tes contemporains trop dangereux exemple,
« Le fauteur tour à tour et l’ennemi des dieux,
« On te vit au théâtre être religieux
    « Et profanateur dans le temple,
« Tu remplis l’univers du germe des forfaits
    « Qui dans mille ans doivent éclore ;
« Et, lorsqu’ils auront vu leurs funestes effets,
    « On les verra renaître encore.
« Souffre donc, malheureux, les tourments des enfers !
« Souffre jusques au temps où, dans tout l’univers,
« Tes livres corrupteurs auront cessé de nuire,
« Et lorsque les humains cesseront de les lire ! »