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parent de la découverte, et font pâlir l’envie avec leur toile et leur fumée.

Qu’on se transporte par la pensée au château de la Muette, dans ce moment où deux hommes intrépides (que l’injuste Renommée ne place peut-être pas assez au-dessus de leurs successeurs) disaient pour la première fois « coupez les cordes ! » et, les premiers de leur espèce, suspendus à une frêle machine, planaient sur les têtes de cent mille spectateurs palpitants[1], – on pardonnera tout aux premiers élans de l’admiration.

Grand philosophe ! Dont l’œil tout à la fois perçant et sévère voit toutes les faiblesses humaines et n’en pardonne aucune, daignez froncer cet auguste sourcil à l’aspect seul d’un ballon : songez quelquefois combien vous seriez porté à pardonner l’enthousiasme public, si vous en étiez l’objet, et souvenez-vous que l’orgueil national est comme l’amour paternel : il faut savoir leur pardonner quelques enfantillages.

  1. C’est Pilâtre de Rozier (et non, comme on pourrait le croire, l’un des Montgolfier) qui s’éleva du château de la Muette, près Paris, le 21 novembre 1783, en compagnie du marquis d’Arlandes, major dans un régiment d’infanterie. Ils furent les premiers voyageurs aériens. L’expérience paraissait offrir tant de dangers que le roi n’avait d’abord permis de la tenter qu’avec deux condamnés aux galères.