Page:Maistre Xavier de - Oeuvres completes, 1880.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

loin qu’il me souvienne) que Platon appelait la matière l’autre. C’est fort bien ; mais j’aimerais mieux donner ce nom par excellence à la bête qui est jointe à notre âme. C’est réellement cette substance qui est l’autre, et qui nous lutine d’une manière si étrange. On s’aperçoit bien en gros que l’homme est double ; mais c’est, dit-on, parce qu’il est composé d’une âme et d’un corps ; et l’on accuse ce corps de je ne sais combien de choses, mais bien mal à propos assurément, puisqu’il est aussi incapable de sentir que de penser. C’est à la bête qu’il faut s’en prendre, à cet être sensible, parfaitement distinct de l’âme, véritable individu, qui a son existence séparée, ses goûts, ses inclinations, sa volonté, et qui n’est au-dessus des autres animaux que parce qu’il est mieux élevé et pourvu d’organes plus parfaits.

Messieurs et mesdames, soyez fiers de votre intelligence tant qu’il vous plaira ; mais défiez-vous beaucoup de l’autre, surtout quand vous êtes ensemble !

J’ai fait je ne sais combien d’expériences sur l’union de ces deux créatures hétérogènes. Par exemple, j’ai reconnu clairement que l’âme peut se faire obéir par la bête, et que, par un fâcheux retour, celle-ci oblige très souvent l’âme